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Canadiennes d’hier

heur. Puis elle parvînt à décider mon père de l’accompagner, avec moi, à Montréal d’abord, ensuite à Valois où mon beau-frère possède une spacieuse villa sur le lac Saint-Louis.

Quand, septembre venu, on eut décidé en conseil de famille de me mettre en pension chez les dames de la Congrégation Notre-Dame, à la « Villa-Maria », papa reprit seul le chemin de son vieux Québec et rentra dans sa maison des remparts avec la satisfaction de pouvoir du moins être malheureux à sa guise, à l’abri des prévenances et des attentions qui, je crois, l’agaçaient un peu.

Notre vieille bonne, notre fidèle Cati, l’y attendait. Vous la rappelez-vous, chère madame. Catherine Desrosiers ? Elle est de St-Jean-Port-Joli, elle aussi. Toute jeune, elle a été en service chez mes grands-parents et ne nous a pas quittés depuis le mariage de mon père. Grande, forte, très brune, moustachue, rustique, propre et probe, elle fait chez nous, depuis douze ans, la pluie et le beau temps. Entendez qu’elle tient le ménage et fait la cuisine à sa façon, qui en vaut bien une autre d’ailleurs et il ne fait pas bon la contrarier. Mais je ne veux pas critiquer ma vieille Cati, ce serait de l’ingratitude. Elle est à part des autres et d’une espèce qui tend malheureusement à disparaître.

Moi, j’ai grandi, tout simplement, éduquée dans les bons principes par les bonnes sœurs de la Congrégation. Ma sœur Hélène veillait à ce que ma tenue soit toujours irréprochable. Elle venait me voir tous les dimanches, quelquefois le jeudi et

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