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Canadiennes d’hier

Comme sa conversation n’était pas plus intéressante pour lui et le serait encore moins pour vous, je ne vous en rapporte pas d’échantillon. Le repas fini, papa se plongeait dans la lecture de ses journaux… et, « bonsoir, fillette », la vie de famille était suspendue jusqu’au lendemain soir.

Grâce à vous, chère madame, ce régime a pris fin ; il était temps ! Vous rendez une fille à son père, comme on dit dans les tragédies classiques. Vive la « veuve Tessier », vive St-Jean-Port-Joli ! Parlez-moi de ce qu’on y fait. Contez-nous des histoires du temps passé et votre propre histoire…

Puisqu’il n’est plus de vrais amours,
Dites-nous ceux des anciens jours


soupire une vieille chanson française que vous connaissez. que vous avez peut-être chantée : je m’autorise d’elle pour vous en prier. Surtout, expliquez-moi comment il se fait que votre idylle avec mon père ait abouti à deux mariages au lieu d’un, et chacun de son côté.

Papa trouve madame Rivet un peu rosse mais bien amusante. Il se souvient de ses tics et de ses manies, de sa perruque et de son bonnet de tulle surmonte d’une aigrette cliquetante ; de sa conversation spirituelle mais redondante. Pour qu’il se rappelle si bien certains détails de sa mise, il faut, tout de même, qu’il l’ait vue depuis trente ans. Il me dit que nous n’avons pas besoin de nous disculper de ses accusations d’ingratitude, auprès de vous, notre fidèle amie. Vous savez très bien qu’à la mort de grand’maman, il a été impossible à

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