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Canadiennes d’hier

mon père de conserver la grande propriété de sa famille et qu’il a été obligé de la vendre pour donner à son frère et à ses sœurs leur part de la succession. Vous savez mieux que personne avec quel chagrin il s’y est résolu, puisque vous êtes toujours arrivée la première quand vos amis ont eu besoin de réconfort. Et puis, chère madame, dans les années qui ont suivi ce grand sacrifice, si papa n’est pas allé souvent à Saint-Jean-Port-Joli, il ne vous a, quand même, pas négligée tout à fait. Il me dit que, jusqu’à la dernière maladie et la mort de maman, il ne manquait pas d’aller, avec elle, vous rendre visite quand vous veniez à Québec chez votre amie, Mme Mondou, et qu’ils ont eu quelquefois le plaisir de vous recevoir chez eux.

C’est depuis que votre santé ne vous permet plus les déplacements et depuis son veuvage que vous vous êtes perdus de vue. Si, tout compte fait, il y a eu négligence de notre part, nous voulons réparer et reprendre le temps perdu.

Pour commencer, nous avons formé le projet d’aller passer quelques semaines à St-Jcan, l’été prochain. Pour papa, c’est comme s’il y était déjà : « À mon âge, le temps passe si vite » a-t-il dit. Oui, mais au mien, il traîne un peu trop, le temps. Je crains de ne pas avoir la patience d’attendre dix longs mois le plaisir de vous revoir.

Je voudrais être votre cousine, chère madame, et l’organiste de St-Jean-Port-Joli. Mademoiselle Régina a bien du goût, mais il me semble que j’en aurais, à sa place. Si jamais elle a besoin d’une remplaçante, dites-lui bien que je me tiens à sa

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