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Canadiennes d’hier

Il fallait aussi songer à mon trousseau. Pendant que je cousais à la main, sagement assise auprès de la fenêtre de la salle à manger, ma belle-mère faisait de longues courses en ville et de mystérieuses visites au grenier qui m’intriguaient beaucoup. Un bon matin, j’eus l’explication de ses allées et venues. J’entendais depuis quelques instants des craquements. des glissements de caisses, lorsque retentit la douce voix qui m’appelait à l’aide. En mettant la tête au bord de la trappe, j’aperçus la bonne dame qui s’essoufflait à faire sortir d’un ravalement une petite malle recouverte de peau de loup-marin, toute déformée, tout aplatie, et qui paraissait vide. J’aidai à la tirer devant la lucarne, à déboucler les courroies et à lever le couvercle.

— « Mets-toi à genoux, Val’rie, tu es plus jeune que moi, sors ce qu’il y a dedans », me dit belle-maman.

Il y avait dedans : une mante de barège blanc garnie de satin piqué et d’effilés de soie, une crinoline rouillée, des bas de soie jaunis, une robe de faille française lilas brochée de blanc, à corsage plat, manches bouffantes et vaste jupe plissée à la paysanne. Au fond de la malle, une petite boîte de carton contenait un morceau de gâteau pétrifié ; une autre boîte. — celle-là recouverte de velours vert et à fermoir doré, — renfermait un daguerréotype de mes parents en costume de mariés. Mon père avait posé debout, le visage épanoui, une main sur l’épaule de sa femme ; elle, assise, les mains placées l’une sur l’autre et levant vers lui des yeux d’adoration ; tous deux, étaient ridicules et atten-

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