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Canadiennes d’hier

Mlle Sylvie Carrière à Mme V.-A. Tessier
Québec, 1er décembre 1912.
Chère madame,

Je suis « bachelière ». Le voilà mon « aveu difficile à faire ».

Je vous ai dit, n’est-ce pas ? qu’après avoir terminé mes études à la « Villa-Maria », je ne tenais pas beaucoup à retourner à Québec. Eh bien ! j’ai obtenu de mon père la permission de rester à Montréal, afin de suivre les cours de l’Enseignement secondaire, et j’ai profité de toutes les facilités de m’instruire qui m’étaient offertes. Outre mon brevet de bachelière, je possède un diplôme de littérature française de l’Université de Montréal, mais je n’ai pas d’amoureux, gros’maman, les parchemins ne les attirent pas.

J’avais rencontré à l’Université un jeune avocat qui suivait le cours de littérature en même temps que moi. Il semblait se plaire à causer, il avait même esquissé une déclaration que j’avais accueillie « avec une aimable indulgence », ainsi qu’on disait au temps de Mlle de Scudéry. Sa flamme s’est éteinte subitement à la lecture des notes de fin d’année. Je l’ai entendu dire à son voisin de pupitre, à mi-voix, mais en appuyant, afin que je saisisse bien son intention : « Le professeur est plus galant que juste ; et… les bas bleus sont insupportables. »

Chère madame, je vous donne là une arme contre moi. Vous voyez que vous pourriez me présenter tous les jolis garçons de St-Jean-Port-Joli

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