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Canadiennes d’hier

père, malgré les airs scandalisés et les protestations hypocrites de belle-maman.

Je n’eus pas de peine à trouver, dans le village, pour Mme Rivet, une maison vacante où elle ne tarda pas à venir s’installer, et, pour moi-même, quelques pièces dans la maison de mon cousin Achille Anctil que j’ai fini par acheter (pas Achille A., sa maison), où vous m’avez surprise après 40 ans, par un beau dimanche de l’été dernier.

Ouf ! je suis fatiguée mais contente d’avoir tenu ma promesse. Vous voyez, chère Sylvie, que mon « roman » a été court : À quinze ans, un chagrin d’amour, refoulé énergiquement ; cinq années de bonheur dans le mariage, traversé d’inquiétudes et terminé par la mort ; après, la vie tout unie dans la paix de la campagne. Mais, si c’est être romanesque que d’aimer voir le bonheur des jeunes, je le suis. J’ai compassion des pauvres amoureux ; leurs chagrins m’émeuvent, leurs illusions ne me font pas sourire.

Et maintenant, ma petite Sylvie, allez-y de votre « aveu difficile à faire ». Si je n’avais pas vu votre regard franc, si je ne connaissais pas la race dont vous sortez, j’aurais peur de ce que vous allez me confier. J’espère, toujours, que vous ne vous êtes pas promise, par carte postale illustrée, à un correspondant que vous ne connaissez ni d’Ève ni d’Adam. J’espère, surtout, que ce « souffle de jeunesse et d’amour qui vous soulève » n’a pas fait voler votre bonnet par-dessus les moulins.

Je plaisante, mais je suis impatiente de savoir.

Votre veuve Tessier
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