Page:Bonenfant - Canadiennes d'hier, lettres familières, 1941.djvu/5

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Canadiennes d’hier

tout mon temps à cette aimable et remuante famille, sans quoi j’aurais cru manquer à mon devoir de maîtresse de maison. Maintenant que Cathos, l’auto de mon beau-frère, a repris le chemin de la métropole, emportant toute l’animation de notre austère demeure, au lieu de la suivre en imagination et me livrer à la mélancolie, comme il m’arrive toujours après beaucoup de mouvement, je tourne ma pensée vers vous et Saint-Jean-Port-Joli : c’est le meilleur moyen de dissiper mes idées noires. Papa a retrouvé ses revues et la tranquillité qu’il faut pour en goûter la lecture ; je viens de fermer ma fenêtre, après avoir vu descendre le soleil derrière les Laurentides, car déjà le vent fraîchit, et je présente sans plus tarder mes excuses et mes bonnes raisons.

Tout d’abord, laissez-moi vous dire, chère madame, que les heures passées dans votre joli village ont été les plus agréables de tout mon voyage. Tout ce que j’ai vu chez vous m’a plu : l’église, où nous sommes arrivés justement à l’heure de la grand’messe, m’a particulièrement charmée. J’aime ces petites églises de campagne parce qu’on ne s’y perd pas et qu’on en voit distinctement l’ornementation. J’ai examiné les bois ouvragés de la vôtre d’autant plus à mon aise qu’il nous a fallu monter à la tribune de l’orgue pour trouver un endroit où s’agenouiller. Il n’était pas propice au recueillement, toutefois, et les découpures de la voûte n’ont pas été mes seules causes de distractions puisque, sans me retourner, presque sans lever les yeux, j’ai pu voir que le possesseur de cette belle

8