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Canadiennes d’hier

voix moelleuse et profonde qui a chanté un cantique après l’élévation, est un fort joli garçon. J’ai remarqué aussi que l’organiste sait accompagner et soutenir la voix sans la couvrir. Elle mérite des félicitations que j’aurais aimé lui offrir sur-le-champ.

Si j’étais demeurée plus longtemps en votre compagnie, chère madame, je vous aurais parlé de mon admiration pour notre beau fleuve ; chez vous, il m’a semblé le voir avec des yeux nouveaux. J’ai passé une heure, après le dîner, en contemplation devant ce grand charmeur.

Partie à la découverte à travers le bocage qui encadre l’hôtel — pendant que mes neveux jouaient au croquet et que leurs parents, calés dans des fauteuils, somnolaient sur la véranda — j’ai dégringolé la falaise, au risque de me casser le cou, afin d’atteindre plus vite un sentier délicieux, bordé de thuyas chauffés au soleil, qui semblait y conduire directement. Ils embaumaient, ces thuyas, mais ils m’empêchaient de le voir. Je l’ai bientôt aperçu, cependant, dans une éclaircie : ruisselant de lumière, aveuglant, splendide. J’ai abandonné le sentier ombragé et sauté de roche en roche jusqu’à une petite anse de sable, meublée d’une énorme pierre en forme de fauteuil, où je me suis installée pour jouir de ce premier moment de solitude au pays de mes aïeux. Tout m’a paru familier ; non seulement le Saint-Laurent et les Laurentides qui viennent de loin et sont de vieilles connaissances, mais encore la grève de Saint-Jean-Port-Joli, ses rochers roux, ses petites anses, ses galets que je

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