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Canadiennes d’hier

était à la porte. J’ai pris congé de tante Louise et de M. Leclerc en les remerciant de leur gentillesse.

Nous avons eu le temps de nous installer confortablement dans le beau sleigh rouge. Le vieux cheval, les oreilles basses, une couverture sur le dos, tournait la tête pour voir où nous en étions de nos préparatifs et attendait patiemment l’ordre de se mettre en route. Quand vint le « marche, Castor » de son jeune maître, le brave animal donna un coup de collier dont nous avons senti douloureusement le contre-coup dans la voiture et, pour montrer sa bonne volonté, il partit au grand galop en secouant frénétiquement sa bande de grelots. On entendait ricaner la pouliche dans l’écurie. Cependant, vers le milieu de l’allée, notre Castor s’était déjà mis prudemment à l’amble et il se mit résolument au pas dès qu’il eût gagné la grande route. Le soleil était couché depuis une demi-heure, les premières étoiles s’allumaient au ciel et, comme l’a remarqué notre ami, elles ne jetaient pas beaucoup de chaleur. Le pauvre cheval s’ébrouait, toussait, toute la tête blanche de frimas. le pas court à faire croire qu’il allait s’arrêter. Le fouet était bien là, dans sa gaine, mais mon compagnon jugeait inutile de s’en servir ; il savait à qui il avait affaire.

J’avais enfoncé ma toque, je vous prie de le croire, gros’maman ; je regrettais d’avoir refusé votre bon châle ; mon mignon manchon ne me protégeant le visage que d’un côté à la fois, je commençais à craindre d’attraper mon coup de mort. Discrètement, mon cavalier servant passa

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