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Canadiennes d’hier

un bras derrière ma tête et remonta sur mon épaule gauche la lourde couverture que je ne parvenais pas à y retenir, en disant d’une voix contenue, (contenue au point d’en paraître tendre et qui n’était peut-être que timide :)

« Si vous me le permettez, mademoiselle, je la tiendrai pour l’empêcher de glisser ».

Je « grillais » d’accepter, si je puis m’exprimer ainsi. Pour ne pas paraître trop égoïste, j’ai fait mine d’hésiter et j’ai répondu :

« Je n’ose pas, vraiment, vous imposer cette fatigue, d’autant plus que, si vous immobilisez votre main, elle va sûrement geler ».

« N’ayez crainte, j’ai de bonnes mitaines de cuir doublées de peau d’agneau avec toute sa laine ; seulement, je serai forcé de renifler, n’ayant plus de main pour me moucher ; ce n’est guère élégant. Approchez-vous un peu plus, mettez votre tête sur… sur mon capot, vous vous en trouverez bien ».

Froidement ironique, la lune sortait d’un nuage et se piquait à la fine pointe d’une épinette pour mieux jouir de mon embarras. Je lui ai jeté un regard de défi et, résolument, j’ai caché mon visage au creux de l’épaule du… capot de chat sauvage. Il était temps : mon mouchoir n’était plus qu’une boule de glace et mes yeux se liquéfiaient.

Peu à peu, le bras charitable, fatigué d’être tendu, resserrait son étreinte et une douce chaleur m’envahissait. Castor allait péniblement au pas, mais mon esprit trottait. Les plus folles idées me

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