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Canadiennes d’hier

on, il a bien trop de délicatesse pour cela. Quand il est venu, le premier de l’an, s’informer de votre santé, il n’a pas fait la moindre allusion à ce que je savais aussi bien que lui. J’ai imité sa réserve. Il y avait, ce jour-là, trop de monde à la maison, et vous ne m’aviez encore rien dit : j’attendais votre version pour me former une opinion sur la portée de l’incident.

Vous avez eu raison de prévoir qu’il y aurait du bruit dans notre Landerneau. Non seulement, on s’est amusé de votre petit accident, mais encore on s’est demandé, dans le voisinage de notre Jean, ce que vous alliez faire chez son père, le jour de Noël dans l’après-midi. À la campagne, quand un jeune homme conduit, en grand appareil et par un beau jour de fête, une jeune fille chez ses parents, on est porté à croire qu’il est question de mariage entre eux. Il l’emmène visiter « les lieux », comme on dit, afin que l’accord puisse se faire en toute connaissance de cause et que l’union projetée ne manque pas « aux arrangements ».

Aussitôt après votre départ, ce jour-là, les petites Bellanger sont allées aux informations. Elles n’ont pas eu de peine à faire parler tante Louise qui était encore toute chaude d’admiration pour votre belle façon et votre manteau de seal. Pour s’excuser de son enthousiasme, elle a dit en riant, désignant le père Leclerc du doigt :

« Ce vieux fou-là n’a pas pu s’empêcher de lui baiser la main. Il est vrai que la demoiselle a des mains comme il n’y en a pas beaucoup : on voit

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