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Canadiennes d’hier

les retirer du collège et de les faire cultiver sa terre. On peut se demander comment il aurait agi si votre père ou votre oncle Gilbert avait été chassé de ce paradis terrestre qui s’appelle le Collège de Ste-Anne de Lapocatière. Je suis sous l’impression que le lendemain, il aurait attelé Suzette au cabrouet et conduit le coupable au séminaire de Québec.

Tout en écrivant, il me revient un petit fait que je croyais sorti de ma mémoire pour toujours. Je me rappelle qu’une année, le beau Jacques Carrière. alors étudiant en droit, avait fait sensation à Québec quand, par un clair soleil de mai, il avait paru sur la terrasse Frontenac, à l’heure où tout le beau monde était à la promenade, vêtu d’un complet gris pâle de flanelle du pays. Comme le « moine » faisait valoir l’habit, tous ses amis voulurent en avoir de semblables et bientôt on ne trouva plus assez d’étoffe à St-Jean-Port-Joli pour contenter tous les demandants. Rappelez à mon ami Jacques cette jolie réclame faite aux habiles tisseuses de son village. Le souvenir de sa bonne action adoucira peut-être ses regrets.

Je suis persuadée que les jeunes Bellanger ne travaillent pas pour leur propre compte ; elles vont encore à l’école ; mais il peut se faire qu’elles surveillent les intérêts de quelqu’une de leurs sœurs. Elles sont six ; il peut s’en trouver une ou deux qui prétendent à fixer le choix de notre Jean, vu qu’il est le meilleur parti de la paroisse et assez bien de sa personne, comme vous l’avez probablement constaté. Il me revient vaguement que Pauline, celle qui est institutrice par en haut, lui a déjà fait les yeux

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