Page:Bonenfant - Canadiennes d'hier, lettres familières, 1941.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Canadiennes d’hier

doux. Elle est son aînée de deux ou trois ans il n’a pas paru encourager ses avances. Ce dont je suis sûre, c’est que tante Louise serait bien contente d’avoir l’une ou l’autre de ces jeunes Bellanger pour bru. Elle les connaît depuis leur enfance, les sait intelligentes, travailleuses et accoutumées à la besogne d’habitant.

Chère enfant, réfléchissez avant de vous élancer vers une autre destinée. Consultez non seulement votre cœur et votre courage, mais aussi vos forces. Ma Régina est fille de cultivateur, elle a été élevée à la campagne, et néanmoins elle a refusé d’épouser un habitant « en moyens » qu’elle estimait beaucoup, parce qu’elle ne se sentait pas capable de le seconder efficacement. Réfléchissez, Sylvie, réfléchissez.

Vous vous dites sans doute : « Cette gros’maman devient bien ennuyeuse, elle fait des objections pour se racheter d’avoir été imprudente. » Il y a du vrai là-dedans ; c’est pourquoi je vous parlerai un peu de « lui » afin de vous laisser sur une plus agréable impression. Je l’ai vu dimanche, un tout petit moment, sa voiture l’attendait à la porte. Ma chère, il n’ose plus prononcer votre nom, on dirait qu’il lui brûle les lèvres ; il ne veut pas non plus dire « elle », alors il appelle Rostand à son secours. En me remettant mon « Chanteclerc », il m’a demandé avec un petit air dégagé — il croyait ne pas y toucher — :

« Votre faisane a-t-elle l’intention de venir à St-Jean, à Pâques ? »

J’ai répondu du tac au tac :

94