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Canadiennes d’hier

Quand l’occasion s’en présentera, chère madame, dites à M. Jean Leclerc que je ne suis pas la cérébrale qu’il pense. En général, je n’aime pas les comparaisons et ce n’est pas pour en faire des applications que je vous ai offert le chef-d’œuvre de Rostand ; c’est parce qu’il y parle de la campagne en beaux vers du plus haut idéalisme. Je n’ai qu’un seul trait de ressemblance avec la faisane : comme elle, je voudrais « dans son âme être seule ». Je n’ai pas l’ambition d’être plus pour lui que l’humble poulette grise, mais votre Jean peut être sûr que je ne m’éprendrai jamais du coucou de la cuisine. Faites-le lui comprendre, sans appuyer, cela va sans dire.

Votre Régina, chère madame, ce n’est pas parce qu’elle ne s’est pas sentie assez robuste pour les travaux rustiques qu’elle n’a pas voulu de son habitant « en moyens » ; c’est parce qu’elle ne l’aimait pas, tout uniment.

Pauvre gros’maman, vous voulez trop prouver, vous me faites rire ! Moi non plus je ne voudrais pas d’un habitant que je ne pourrais « qu’estimer beaucoup »… ni d’un notaire, d’ailleurs, ni d’un avocat, ni même d’un officier, quand je serais assurée de marcher toute ma vie, comme dit la chanson,

« À pas carrés, dans ma jolie chambrette ».

Régina, avec quel entrain elle se serait attelée à n’importe quelle rude besogne, si celui dont elle n’a peut-être jamais parlé, mais qui est en chapelle au fond de son cœur, lui avait demandé de partager son sort. Vous connaissez peut-être son petit ro-

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