Page:Bonenfant - Canadiennes d'hier, lettres familières, 1941.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Canadiennes d’hier

Mlle Sylvie Carrière à Mme Tessier
Québec, 30 mars 1913.
Chère gros’maman,

Je ne vous savais pas souffrante, pardonnez-moi de vous avoir fait languir. Si j’ai hésité à vous donner ma troisième raison d’envisager l’avenir avec confiance, ce n’était pas pour piquer votre curiosité et pas davantage parce que je doute de votre discrétion. Cependant, c’est un bien gros secret que je vais vous confier et vous comprendrez, sans que j’y insiste, la nécessité de ne pas le divulguer pour l’instant.

J’ai une dot, chère madame. Je suis bien persuadée que notre jeune ami ne se laisserait pas influencer par une semblable considération, mais je veux m’épargner jusqu’à l’ombre d’une inquiétude à ce sujet. S’il doit m’aimer, il faudra que ce soit de façon absolument désintéressée et, de plus, que j’en sois sûre.

C’est un petit héritage que je tiens de ma pauvre maman. Papa l’a placé avantageusement et n’a jamais voulu en distraire un sou ; il a fait boule de neige depuis douze ans. J’avais presque oublié son existence. C’est en comptant mes atouts que je me le suis rappelé. Je ne suis pas dépensière, mes goûts sont modestes, nous vivons retirés et très simplement dans notre vieille maison des remparts qui date du temps des Français, à ce qu’on dit, et même qui aurait été habitée par Montcalm. À part un très beau canapé, un bureau ancien que maman

102