Page:Bonnecorse - Lutrigot, 1686.djvu/34

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L’autre les doctes chants de son art poëtique,
Ses satires dans l’un effraïoient les autheurs,
Ses epistres dans l’autre étonnoient les flateurs,
Et des centaures noirs, effrontez et bizarres,
Traînoient ces chars remplis de tant de pieces rares.
Au milieu des neuf sœurs le sçavant Apollon,
Tout grave qu’il étoit joüoit du violon.

On voïoit Uranie avec une musete,
Polinnie en dansant sonnoit de la trompete,
Calliope faisoit quelque pas de balet,
Et suivoit Apollon au son du flageolet.
Clio battoit la caisse et paroissoit en masque.
Euterpe se paroit de son tambour de basque.
Melpomene frapoit sur un bassin d’airain.
Erato s’y montroit la guitarre à la main.
Thalie en grimaçant joüoit de la vielle,
Et Terpsicore enfin, cette fille immortelle,
Fort revenuë alors de ses vaines erreurs,
Animoit de la voix Apollon, et ses sœurs.
Le char venoit aprés chargé de la machine,
Surquoi le fier autheur avec sa sombre mine
Paroissoit à cheval, et d’un air serieux
Saluoit en passant de la teste, et des yeux.
Les essieux gemissoient sous un poids si terrible.
Ils portoient un autheur aussi grand qu’invincible.

Des deux côtez du char marchoient par pelotons
Les chantres du pont neuf armez de longs bâtons.
Tout autour paroissoient des satires burlesques,
Qui faisoient en dansant des postures crotesques,
Et derriere on voïoit cent autheurs inconnus
Que le grand Lutrigot avoit jadis vaincus.
Ils suivoient ce heros en miracles fertile.
Ainsi dans son triomphe autrefois Paul Emile
Menoit aprés son char tous les chefs que son bras
Avoit mis sous le joug en ses divers combats.
De méme Lutrigot, dont l’indomptable plume
A battu maint autheur dans son docte volume,