Page:Bonnecorse - Lutrigot, 1686.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

En ce jour solennel use de tous ses droits,
Et fait voir son lutrin l’honneur de ses exploits.
Faire un lutrin, c’est plus que forcer des murailles,
Que donner des combats, que gagner de batailles.
Et comme en un triomphe il est permis à tous
De railler le heros sans craindre son courroux,
Ces autheurs à l’envi lui reprochent sans cesse
Son esprit aigre et fier, son peu de politesse,
De ses vers médisans l’aspre malignité,
Ses larcins découverts, son sçavoir emprunté,
Que tout son grec consiste en son dictionaire,
Et qu’il n’est qu’un censeur injuste et temeraire.

Mais à peine le char pour achever le tour
Passoit pompeusement sous une vieille tour,
Qu’un sinistre hibou né pour troubler la feste,
Volle vers Lutrigot, se perche sur sa teste,
Et pour le couronner, il portoit dans son bec
Un rameau tortueux d’un laurier déja sec.
Tout le monde à l’aspect d’une telle figure
Jette des cris en l’air, rit de cette aventure,
L’Helicon retentit de ces cris éclatants,
Pegaze s’effarouche, et prend le frein aux dents,
Il court, il saute, il ruë, et dans ses algarades
Il brise enfin le char à force de ruades,
Et le grand Lutrigot en poussant maint helas,
Tombe, et tout effrayé voit le lutrin à bas.