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vie que le pain. » Il parcourut « le Forum rouge au soleil couchant », il connut « la joie de l’âme et des yeux » et aima « le sourire de ce ciel latin qui baigne la laideur des plus humbles choses, qui fleurit les pierres des vieux murs et communique à la tristesse même son calme rayonnement » (La Nouvelle Journée, pp. 39 à 57.) Il prit des notes, il marqua les thèmes de sa partition, il en fixa le rythme, il fit le plan de son œuvre. « La symphonie s’organise, l’ombre s’éclaire. Sur le long ruban de route qui se déroule, se marquent par étapes les foyers lumineux qui seront à leur tour dans l’œuvre en création les noyaux des petits mondes planétaires..., les grandes lignes du tableau sont arrêtées. À présent, son visage surgit de l’aube incertaine. Tout se précise : l’harmonie des couleurs et les traits des figures... »

Ainsi R. Rolland dit comment Jean-Christophe crée une symphonie (La Nouvelle Journée, pp. 216-217.) Ainsi est née et a grandi l’œuvre elle-même. R. Rolland est musicien avant tout, mais un musicien qui se règle selon certaines disciplines très strictes et qui a appris, à l’école de Gabriel Monod et de Paul Guiraud, la valeur des faits et l’art précieux de les assembler, de les coordonner.

C’est à Rome même, dès 1893, que R. Rolland écrit déjà des passages entiers de Jean Christophe. Il a bâti patiemment son héros ; mais celui-ci ne s’est mis en route que lorsque son maître eût « reconnu pour lui la route jusqu’au bout. » Plusieurs chapitres de la Foire sur la Place datent de cette époque ; certains portraits ont été esquissés et dessinés, certains épisodes ont été fixés bien avant l’Aube ou le Matin. Et cet aveu, adressé aux Amis de Christophe dès 1909 (Dans la Maison, p. 17), n’a étonné que les timides aux idées toutes faites et les critiques à gages. Ceux-ci ont voulu voir dans Jean-Christophe un roman. Ce n’est pas davantage un poème. C’est