Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/34

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puis ils se séparèrent. R. Rolland, dit Mlle  de Meysenbug, avait voulu « clore ainsi ses belles années de jeunesse passées en Italie et recevoir ces impressions sublimes en quelque sorte comme une bénédiction, au seuil de l’âge viril, pour ses travaux projetés, ses luttes et ses déceptions presque certaines. »

De retour à Paris, R. Rolland commença le rude apprentissage de la vie. L’amitié de ses parents, qui s’étaient installés dans le quartier des Écoles, parvint seule à lui adoucir la dureté des heures et la tristesse de la solitude. Le travail de sa thèse l’absorbait, le concert ou quelques lectures étaient les seules distractions qu’il se permettait. Un an plus tard, en 1892, R. Rolland se maria, et obtint une mission en Italie (1892-93) pour achever sa thèse. Il revit Mlle  de Meysenbug avec laquelle il n’avait cessé de correspondre. Depuis 1891, ils s’écrivaient chaque semaine et, jusqu’au 26 avril 1903, jour où Mlle  de Meysenbug s’éteignit, heureuse, comme dans une fête, à l’âge de 85 ans et 6 mois, ses lettres apporteront à son jeune ami « cette bénédiction que la vieillesse donne à la jeunesse » et lui diront sans fin que l’art véritable et sincère est le salut dans la douloureuse beauté de la vie quotidienne.

C’est pendant ce nouveau séjour à Rome que R. Rolland conçut les grandes lignes de son roman ; c’est dans ce décor lumineux et chaud, où Olivier retrouve Grazia, que lui est apparu « le héros aux yeux et au cœur purs » qui devait être Jean-Christophe. Il vit au bas de l’Apennin, dont les monts abrupts s’enchaînent et se déroulent ainsi qu’une farandole, « la mer, la mer latine et sa lumière d’opale où dorment suspendues des volées de petites barques, aux ailes repliées. » Il se grisa de lumière, de cette lumière « sang du monde qui coule dans l’espace comme un fleuve de vie et s’infiltre jusqu’au fond de notre chair, lumière plus nécessaire à la