Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/57

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doux amis. Loin d’accroître notre quotidienne douleur du poids de leur propre douleur, ils nous aident à voir, d’un regard plus calme, les hommes et les choses, à nous laver l’âme des souillures, à fortifier notre cœur anémique ; et quand nous aurons clos le livre à la dernière page, quand nous aurons, en pensée, souffert les deuils et les souffrances de ces héros, nous ne gémirons plus comme des enfants, sur nos maigres chagrins ; nous serons forts, dignes et trempés pour le combat.

Bien qu’un rapprochement soit toujours un peu arbitraire et puisse sembler un artifice littéraire, je ne puis songer à ces Vies des hommes illustres qu’a entrepris d’écrire Romain Rolland, sans évoquer le souvenir de Plutarque. Il y a plus qu’une similitude de titres ; il y a ce passage de la Vie de Timoléon, où Plutarque nous explique pourquoi il a écrit son livre : « C’est d’abord pour les autres que j’ai entrepris d’écrire des biographies, mais j’ai bientôt commencé à y prendre plaisir et à en jouir moi-même ; tout en regardant comme dans un miroir les vies illustres que j’avais décrites je me suis efforcé, autant que possible, de régler ma vie d’après celle de mes héros. Ainsi, en nous familiarisant avec l’histoire, nous nous formons nous-mêmes, nous nourrissons notre esprit des actes de vertu et d’héroïsme, si bien que, lorsque la société, à laquelle nous nous trouvons nécessairement mêlés, nous présente des spectacles bas et ignobles, nous les chassons de notre esprit en fixant nos regards avec calme et sérénité sur quelques-uns de ces grands modèles. »

D’autres biographies viendront à leur date, les unes plus courtes comme celle d’Hugo Wolf (Musiciens d’aujourd’hui, p. 144), un de ces héros « qui meurent peu à peu, qui se survivent à eux-mêmes, qui assistent lentement à la ruine, pièce à pièce, de leur âme, » HugO Wolf, mort fou à trente-sept ans, après avoir subi toutes les lâchetés, les haines,