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CHARLOT S’AMUSE

volte de son sentiment du juste violé une fois de plus. Machinalement, il suivit le mariste.

Celui-ci marchait lentement, semblant soutenir une lutte contre lui-même, évitant de regarder son petit compagnon et, de sa main gauche plongée dans la poche de sa redingote, roulant furieusement les grains de son chapelet.

Comme s’il était parvenu à se vaincre, ses traits peu à peu se détendirent et son œil s’éteignit. Sans doute, il venait de se remémorer un passé plein d’odieux et de dangereux mystères, de tentations auxquelles pour son malheur il avait jeune encore, complaisamment cédé. Cet Hilarion, cet Origène, dont son nouvel élève lui disait tout à l’heure les bestiales poursuites, devaient être des jeunes gens, incapables de résister à leurs coupables ardeurs, et qui faiblissaient dans la lutte cruelle entre l’obéissance à leurs vœux et les appels de leur chair. Il aurait eu tort de s’en étonner. Il avait vu ces débordements en Belgique, au sortir de son noviciat, et lui-même, entraîné, avait suivi les contagieux exemples. N’avait-il pas dû, pour ce fait, franchir la frontière et chercher dans les Ardennes un refuge contre la justice ? Maintenant, il était un homme mûr, et sa piété grave et réfléchie, en même temps qu’un épui-