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CHARLOT S’AMUSE

d’araignées d’eau y filaient, par bonds rapides, glissant, sans émouvoir sa surface immobile, et courant après le soleil.

Charlot ne voyait rien de tout cela. Il allait de son allure mécanique, jusqu’à ce qu’au bout de la longue allée, il eût rejoint, après le tournant de la colline, la Meurthe, rapprochée maintenant d’où partait le canal. Souvent, il s’arrêtait là, un long instant, à regarder une troupe d’enfants qui se baignaient en pêchant des écrevisses et des chauchards, à l’aide d’une fourchette emmanchée au bout d’un bâton. D’impossibles désirs lui revenaient, surexcités par le grand air ; son sang oxygéné coulait plus vif. Il contemplait avidement les garçonnets qui battaient l’eau et fouillaient de leur trident les trous sous les pierres et l’entrecroisement des racines. Ils n’avaient plus que leur gilet : leur chemise était serrée en rouleau à la taille pour ne point tremper, et ils barbotaient, les cheveux ébouriffés, l’air heureux, livrant au vent leurs nudités blanches. Dans le nombre, souvent, se trouvaient des fillettes. Elles restaient au bord, leurs cotillons troussés laissant voir leurs mollets grêles ; mais leurs petits compagnons s’éloignaient, faisaient des découvertes et criaillaient, s’amusant comme des dieux. Alors, tentées, elles se