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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/189

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CHARLOT S’AMUSE

plus jeune. On avait bien pleuré dans la maison !

Huit jours après, les deux amis visitaient le champ de bataille de la Burgonce, à Nompatelize, ramassant, à travers les ruines désolées des deux villages, l’ineffaçable et poignante impression de la guerre. Ils frémissaient devant les murs à demi calcinés, sur lesquels la pluie n’avait pu encore laver les sanglantes éclaboussures projetées là, dans la fusillade à bout portant qui avait accueilli les Français, fuyant les maisons en flammes. Les toits bâillaient, crevés par les obus. La tête d’un bœuf, n’ayant plus d’intact que ses grandes cornes, surgissait de la lucarne d’une étable, s’étranglant dans un effort inouï, paralysé par la mort, et effrayante avec sa langue toute noire et ses gros yeux de poisson frit. À côté, contre le mur en pisé, une vigne accolait ses sarments desséchés qu’avait épargnés le feu, et qui, au prochain printemps, reverdirait là, vivante et toute seule, dans le massacre des choses. Plus loin, un cerisier, quoique éloigné de la ferme, n’avait point été épargné. Il étendait le spectre lamentable de ses branches rôties, semblable, avec son tronc noir, à un énorme morceau de braise que l’eau du ciel aurait rendu luisant.