Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
CHARLOT S’AMUSE

ami, en l’embrassant plus fort, le repoussait brusquement ! Comment n’avait-il rien vu à Ormont ? Un soupir de soulagement soulevait sa poitrine et une joie l’emplissait. Il était un petit homme à présent, comme son camarade, qui désormais ne pourrait plus le blaguer et le traiter de marmot !

Dans l’irréparable aberration mentale qui dépravait ses dix-huit ans mal venus, Charlot revivait cette scène monstrueuse avec un passionné bonheur. Vautré sur l’herbe, il souriait, se remémorant avec complaisance les obscènes détails qui marquaient sa vie passée et ses étapes dans le vice. Une poésie bâtarde s’en mêlait bientôt, tendrement banale, qui habillait cette déchéance d’amoureuses couleurs. Il ouvrait sa boîte de fer-blanc et, d’entre les feuilles de son herbier, il retirait les lettres que Lucien lui écrivait à cette époque.

On les avait mis, en effet, tous deux au collège, où, grâce aux leçons particulières, à l’intelligence de l’un, à la bonne volonté de l’autre, ils doublaient leurs classes, rattrapant le temps perdu. Charlot, pour plaire à Mlle  de Closberry, était capable de tous les efforts. Son mal, au surplus, en attendant le détraquement final, passait par les phases ordinaires et suractivait ses facultés physiques et intellectuelles.