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CHARLOT S’AMUSE

naient dans leur correspondance, il y avait des adaptations naïves des Morceaux choisis de littérature qu’on leur fourrait entre les mains, — section épistolaire, — et, bientôt, des romans graveleux ou simplement ineptes qu’ils cachaient dans leur pupitre : Fénelon et Paul-Louis Courier, Ponson du Terrail et Paul de Kock mêlés.

Pendant cinq ans, ils s’étaient écrit de la sorte, comme deux amants, jouant, plus convaincus à mesure qu’ils grandissaient, leur rôle d’homme et de femme. Naturellement, Charlot était la femme, toujours dominé, mais se vengeant inconsciemment, par une coquetterie réellement féminine, et infligeant à Lucien les tortures qu’une véritable maîtresse lui aurait fait subir. Dans cette collection de lettres, il y avait cinquante ruptures, cinquante réconciliations. Reproches tendres, mensonges coquets, amoureuses querelles : rien n’y manquait. Avec cela, une vertuomanie, fruit du milieu exclusivement clérical et enseignant, dans lequel ils vivaient, les envahissait, donnant un étrange cachet à leur inavouable intimité. Leur dévotion s’en était allée, mais le spiritualisme vague et bête de la philosophie universitaire l’avait remplacé, faisant succéder un abrutissement à un autre. Ces onaniaques