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CHARLOT S’AMUSE

désirs qui font l’homme, et, avide de mordre au fruit mystérieux, il prenait en pitié ce qu’il appelait son amourette avec le petit Parisien. Son compagnon, toutefois, ne parvenait pas à s’expliquer ce changement, la vue d’une femme l’apeurant encore dans un dégoût monstrueux et instinctif. Et c’était lui, Charlot, qui répétait alors à son aîné les leçons que celui-ci lui avait adressées jadis. Abêti par sa vie de forçat universitaire autant que par le détraquement de ses sens, il cherchait, à son tour, dans ses classiques des arguments qui pussent lui ramener son ami. Il forçait le jeune bachelier à relire ses propres lettres et l’accablait de tendres reproches, d’objurgations naïves puant le Conciones : n’écrivait-il pas encore, peu de temps avant ses examens, le contraire de ce qu’il disait à présent ? Pourquoi donc lui parlait-il de César l’épileptique, de son oncle Marius, l’alcoolique, et de cette hérédité effrayante qui avait gangrené de vice toute leur descendance d’empereurs ? Oui ou non, Trajan était-il de mœurs tunisiennes ? Et Titus, le doux Tite de Racine ?… Après lui avoir cité l’antiquité, lors de leurs crises de vertuomanie, pour justifier leur amour, son amant allait-il l’abandonner ? Il ne pouvait nier : il devenait comme tous leurs autres camarades,