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CHARLOT S’AMUSE

avec un gros soupir, un ricanement soulagé. Il s’était appuyé contre la devanture du fruitier, et les lapins, réveillés dans leur trou grillé, ouvert, sur la rue, dans le soubassement du magasin, s’étaient dressés, flairant et griffant l’obstacle qui faisait la nuit dans leur cage. Et, pendant un moment, le vieux Rémy les regarda, agitant leur litière de paille. Une jouissance lui venait de voir sa rêveuse terreur s’enfuir, et lui poussait aux pommettes un afflux de sang où grondaient encore les battements de son cœur un instant comprimé. Le souffle de Charlot en lui caressant la joue, lui mettait un baume dans l’âme : il ne se sentait plus seul. Presque consolé, il considéra longtemps, sans songer, les lapins cabriolant et secouant, dans un tremblottement continu, leurs longues oreilles capricieuses.

Lentement, trois heures sonnèrent, égrenant leurs notes claires dans le silence mort du quartier. Réveillé comme en sursaut, le vieil ouvrier se redressa. Il avait honte de sa faiblesse disparue. Avoir risqué sa peau cent fois, et trembler comme une petite fille, parce que deux compagnons avaient cassé leur pipe dans l’égout, au lieu de crever dans leur lit comme des bourgeois ! « Couillon ! Couillon ! » répétait-il, s’invectivant lui-même, et, réso-