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CHARLOT S’AMUSE

jouant, l’autre hiver, lors de l’enlèvement des neiges, avait glissé dans le regard. Huit jours, on avait cherché de la rue Paradis au collecteur, du collecteur à la Seine : on n’avait pu retrouver le petit cadavre. Alors les ingénieurs de la ville avaient déclaré que les rats l’avaient sans doute dévoré.

Les rats !… Le vieux contre-maître frissonnait rien que d’y penser, pris d’une affre empoignante, lui, l’ancien compagnon, à l’idée que, depuis trente ans, il risquait chaque jour de finir ainsi, dans la boue fétide et enlisante dans le noir, sous le fourmillement grouillant des fossoyeurs d’égout ! Il revoyait les dents blanches et pointues des rongeurs immondes que, parfois, au cours de son travail, il avait méchamment écrasés du lourd talon de ses grosses bottes. Certainement, les bêtes devaient se venger un jour. Et, dans une révolte faite d’angoisses, il se secoua, tout d’un coup, comme s’il avait senti déjà courir sur son corps le piétinement trottinant des hideux animaux. Mais la sensation persista terrible.

— Nom de Dieu ! jura-t-il, — une sueur froide perlant à son front — je ne rêve plus !…

Et le chatouillement se prolongeant, agaçant et effroyable, il se retourna. Soudain, il eût,