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CHARLOT S’AMUSE

comme tous les autres ? L’idée qu’il se trouvait hors de cette humanité par lui méprisée, l’hébétait presque. Son orgueil se cabrait. Il voulait, le misérable, ne pas vivre comme ses camarades, mais non leur être inférieur. Et cependant, cela devait être ainsi : il ne valait pas les deux soiffards abrutis avec qui, toute la soirée, il avait roulé de caboulot en caboulot ! Sur cette constatation navrante, son cœur se creva, et, longtemps, il sanglota dans la nuit.

Le lendemain, à son réveil, les premiers camarades qu’il rencontra furent ses deux compagnons de débauche. Ils riaient. Camélia avait dû sans doute leur parler de sa déconvenue, et à cette idée, le rouge monta à la figure de Charlot.

— Eh bien, pierrot ! firent les deux troupiers, il paraît que nous avons déserté ?

Du geste, il leur demanda le silence.

Ensuite, à l’appel, ce fut le tour du lieutenant, qui, d’abord, éclata de rire, puis se fâcha. L’histoire, le jour même, s’ébruitait. Charlot résolut alors de faire, coûte que coûte, ses preuves, et, surmontant sa honte et son dégoût, il retourna au Chapeau-Rouge, le dimanche suivant. En chemin, il tremblait, pris d’une timidité de petite fille. Jamais il