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CHARLOT S’AMUSE

démarche, autant que par ses regards, mettait en lui une lourde gêne.

Il gagnait ainsi la place du Château-d’Eau, se traînant de banc en banc et se frottait à toutes les jupes, avec des essais timides de conversations, des propos banals et bêtes auxquels les inconnues, après un rapide examen de leur interlocuteur, ne répondaient qu’à demi-mot. L’heure s’écoulait et il se décidait à rentrer chez lui, mais une fois dans sa chambre, il avait de furieux accès de désespoir. Cette vie-là ne pouvait durer ; si ça allait être connu à Toulon, mieux valait qu’il se cassât la tête tout de suite. Et chaque fois, son accès se terminait par une crise de larmes, dont l’attendrissement se fondait en d’étranges et cruelles voluptés, chaque jour plus raffinées, et plus longuement poursuivies.

Les premiers jours, il s’était abandonné sans crainte, avec cette réflexion que, sans doute, c’était la dernière fois, et qu’il trouverait une maîtresse le lendemain. Il avait besoin de se donner cette excuse à lui-même, car les dernières paroles des médecins de l’hôpital Saint-Mandrier lui résonnaient encore aux oreilles : c’était la mort à brève échéance, s’il ne se guérissait pas. On lui avait conseillé aussi de se marier. Et, plein d’amertume, il se rappelait cette