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CHARLOT S’AMUSE

mais il ne put associer deux idées. Un bourdonnement emplissait sa tête d’un vacarme, et il sentait distinctement qu’il devenait fou. Il alla s’asseoir sur un banc du boulevard Richard-Lenoir, regardant sans voir autour de lui. Il faisait un grand soleil très chaud qui lui chauffait le crâne ; il songea qu’il s’était sauvé tête nue. « J’aurais dû prendre mon chapeau ! » murmura-t-il machinalement, en passant la main sur ses cheveux, puis il éclata de rire. Il n’était pas fou, puisqu’il raisonnait et pensait à son chapeau. Et il voulut songer aussi à ce qu’il venait de faire, mais l’idée du chapeau s’était ancrée en son cerveau. On l’arrêterait tête nue ! La perspective de l’arrestation disparaissait devant celle de cette nudité de sa tête, et il ne sortait pas de là, riant toujours d’un rire idiot, et le regard perdu dans le vague. Au bout d’un instant, comme il se sentait grillé, il pensa à se lever, pour aller se mettre à l’ombre, mais ses jambes ankylosées refusèrent de se déployer, et, d’instinct, il se coucha sur le banc, tout de son long, comme les ivrognes, en s’abritant la tête des deux bras. Cependant, ses mâchoires séparées par le rire ne pouvaient plus se refermer et sa langue sèche pendait. Il eut la confuse souvenance d’avoir vu son camarade de lit bâiller ainsi à