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CHARLOT S’AMUSE

l’hôpital, où on le soignait pour une hémiplégie survenue à la suite d’un coup de baguette de fusil reçu dans l’œil. Et Charlot faisait d’incroyables efforts pour se rappeler s’il n’avait pas, lui aussi, reçu un coup. Il porta la main à son front, s’attendant, dans la sensation d’une migraine, à trouver une baguette de fusil plantée sous son arcade sourcilière et enfoncée jusqu’au cerveau. Puis, il bégaya : « Je suis saoûl… » ; et il s’endormit sur ce refrain, dans un oubli reposant. Il bavait à présent et la salive qui coulait du coin de sa bouche jusqu’à son cou lui semblait une rafraîchissante caresse sous laquelle sa fièvre s’en allait.

Le malheureux se réveilla au bout de plusieurs heures. Il faisait nuit, et un sergent de ville l’invitait à circuler. La vue de l’uniforme lui donna un saisissement et la raison lui revint tout d’un coup. Il se releva et se reprit à courir, sans entendre le rire de l’agent.

Il pleuvait, il avait froid, mais, le souvenir du viol qu’il avait commis le hantant, il n’osait se mettre à l’abri. L’arrêter ! on allait l’arrêter ! Une terreur l’empoignait qui le faisait claquer des dents, et il courait toujours plus fort.

À l’aube, il était au Point-du-Jour. En passant devant un boulanger, il se sentit pris de