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CHARLOT S’AMUSE

été si brusque et si complet qu’il avait causé en tout son être une troublante révolution. Même il eut, les premiers jours, une sorte de folie post-connubiale entrecoupée d’accès semblables à des congestions épileptiformes. Et dans la renaissance de son intelligence dont l’acuité se débattait contre ses préoccupations sexuelles à présent moins impérieuses, il se rendait nettement compte qu’imparfait serait son rétablissement. Il aurait fallu que Fanny fût, ou réellement une fille, c’est-à-dire une machine, ou bien une femme ordinaire, relativement honnête et de sens rassis. Or, elle n’était ni l’une, ni l’autre. Elle n’avait jamais été qu’une prostituée malgré elle, et n’avait pu dans l’écœurement de son métier puiser ce mépris résigné de l’homme et cette anesthésie spéciale qui, seuls, en permettent la pratique. Dépravée de bonne heure, c’est la loi qui l’avait jetée au vice, mais le vice n’avait que passagèrement éteint ses instincts érotomanes, ou, plutôt, les avait transformés en une nymphomanie qui, exaspérée par le séjour de la malheureuse à l’hôpital et à Saint-Lazare, et par l’absence de son amant, la tenait maintenant encore.

Il en résultait qu’à son reconnaissant amour pour Charlot, dont elle adorait le parler correct, les habitudes aristocratiques, toute une