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CHARLOT S’AMUSE

élévation de goûts et d’habitudes qui semblaient à la pauvre fille le summum de la distinction, il se mêlait une ardeur sensuelle jamais assouvie. Lorsqu’elle le voyait, le matin, blême et éreinté, elle éprouvait le besoin de s’excuser et disait qu’il fallait cela pour le guérir et empêcher une rechute. Encore ces réflexions étaient-elles rares. Penser lui était, au début, comme une fatigue, et elle vivait toute en instincts, dans l’éveil continuel de ses sens, grâce à son travail à la machine à coudre, dont le mouvement lui procurait un voluptueux et intime frottement.

Son amant ravi, n’osait regretter qu’elle ne fût pas autre, et l’aimait follement. Il s’était fait son esclave, s’ingéniant à lui plaire et à lui rendre douce cette cohabitation qui était pour lui le bonheur. À le voir toujours ainsi plein d’affectueuses prévenances et de débordante tendresse, elle avait souvent des heures d’attendrissement qu’il partageait, invinciblement gagné par ses larmes. Et c’étaient alors des baisers chastes qui les unissaient dans la confession de leur passé et dans un besoin d’épanchement plein de douceur. Mais, bientôt, leur maladive passion les reprenait et les rejetait, haletants de fièvre, aux bras l’un de l’autre. Ils inventaient de nouveaux plaisirs, pris d’une