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CHARLOT S’AMUSE

s’effaçant lentement sous la lourdeur huileuse qui dormait à la bouche de l’égout.

Brusquement, il pensa que ce serait l’une d’elles, peut-être, qui, en jouant, le lendemain, aux bords de l’écluse, s’écrierait soudain, l’œil dilaté de peur : « Un noyé !… » Car, il serait un trouble-fête ; on le repêcherait pendant que tout serait danse et joie, là autour dans les cabarets et les bals établis en plein air. Il y aurait des femmes nerveuses que sa vue rendrait malades ; mais il s’en foutait. Il consentait bien, dans sa lassitude, à ne maudire personne, mais comme il ne devait non plus rien à personne, il lui plaisait justement de s’en aller au milieu de cette fête universelle, dont, seul et misérable, il n’aurait pas sa part.

Cependant, la nuit tombait de la pâleur ; à présent uniforme du ciel. Les couleurs vives s’éteignaient peu à peu, et l’on ne devinait plus les drapeaux que par le frisson courant sur les façades. Un à un, les réverbères s’allumaient.

Charlot se disposait à partir quand il rencontra la bonne femme qui soignait son enfant. Il l’appela et lui paya ce qu’il lui devait ; même, il ajouta cinq francs à la petite somme : « Tenez, la mère, voilà de quoi faire la noce demain » ;