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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/37

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CHARLOT S’AMUSE

chatouiller par les jeunes gens, tout allumée des premiers et vagues désirs de sa robuste puberté conquise en plein air, sous les rudes caresses de la brise et de l’Océan. D’abord, sa dévotion s’en outra. Elle fit des neuvaines, jeûna, pria plus fort, mais sentant sa foi s’alanguir peu à peu, et n’exécutant bientôt plus ses pieux exercices que par une machinale habitude. Elle ne retrouva ses élans de passion religieuse qu’au printemps.

Seule, dans la lande, assise au milieu des genêts odorants, grisée de chaleur et tout alourdie, elle s’abîmait dans la contemplation de ses images, couvrant de baisers sa chromolithographie préférée, ne s’arrêtant que pour comparer mentalement les gars grossiers qui la regardaient à la messe, à ce Christ à peau blanche, émacié, dont la poitrine s’ouvrait, laissant voir un cœur ceint d’épines couronné de flammes. Elle se roulait alors au milieu des ajoncs, prise d’une lascivité molle dont elle n’avait pas conscience et d’un grand frisson charnel qui se traduisait par une invocation brûlante au Sacré-Cœur de Jésus. Puis, elle s’endormait en plein soleil, dans le parfum pénétrant des genêts aux fleurs d’or, et d’étranges rêves, qui poussaient un flot de sang à ses joues brunes, faisaient palpiter dans son