Page:Bordier - Ambassade en Turquie de Jean de Gontaut Biron, baron de Salignac.djvu/12

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PRÉFACE. IX

sur ceux à qui l’on devait obéir (1); mais Jean de Gontaut avait juré une fidélité inviolable au prince de Béarn, et n’admettant aucun de ces compromis auxquels on était si enclin dans ces temps troublés, il resta jusqu’à la fin inébranlable dans son serment : « J’ai servy 42 ans sans intermission le feu Roy vostre Père », pouvait-il écrire à Louis XIII, après l’assassinat de Henri IV, « sans que la contagion du siècle m’aye tant soit peu pu esbranler, non pas mesme à jeter les yeux sur un autre Maistre (2) ». C’est bien là le cri de son cœur et la pensée dominante qui se révèle à chaque instant de sa vie, qui se traduit à chaque page de sa correspondance (3).
Henri de Béarn sentait tout le prix qu’il fallait attacher à de pareils dévouements et témoignait à son tour la plus grande confiance au jeune Salignac. En paix comme en guerre, il se plaisait à le voir près de lui, à lui communiquer ses moindres pensées, et aussi à prendre son avis dans tous les cas difficiles.
L’existence de Salignac fut si intimement liée à celle de son prince qu’il nous suffirait, pour le suivre

(1) « En ce temps là, dit le maréchal de Bouillon, dans ses Mémoires, les divisions du Roi et de ses frères, du roi de Navarre, de ceux de Guise, de ceux de la Religion, faisoient suivre une liberté de se mescontenter facilement, ayant facilité, un chascun, de recouvrer un maistre lorsqu’on en perdoit un; et aussitôt qu’on voyoit quelqu’un mal content, il ne manquoit d’estre recherché d’autre part » (Mémoires de Bouillon, édit. Michaud, tome II, p. 32).
(2) Lettre du baron de Salignac au Roi, de Constantinople le 4 septembre 1610.
(3) « En cet an (1580), dit L’Estoile, ceux de la Maison de Lorraine sollicitoient fort ceux de la Religion d’entrer en leur Ligue, et le duc de Mayenne entr’autres en parla au baron de Salignac, qui depuis a épousé la fille de la chancelière de l’Hôpital, lui promettant, et à tous ceux de sa religion, le libre exercice d’icelle, même dans le milieu du camp; à quoy le baron répondit qu’il ne seroit jamais d’autre ligue que de celle du Roy » (L’Estoile, Journal de Henri III, tome I).