Page:Borel - Œuvres complètes, II, 1922.djvu/236

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C’est elle qui toujours repeupla d’espérances
Mon front morne envahi par des papillons noirs…
Car elle avait alors pour toutes mes souffrances
Des soupirs, et des pleurs pour tous mes désespoirs.

Refrénant les ardeurs qui la rendaient féconde,
Elle excite mes sens et consume mes jours ;
Nul désir corrodant, nul transport ne seconde
La fougue et les élans de mes fortes amours.

L’amour, comme la sève, a ses lois et sa force,
Force et lois qu’on ne peut comprimer sans péril ;
L’un déchire le cœur, l’autre crève l’écorce.
La sève fait le chêne et l’amour rend viril.

D’où vient que dans mes bras, comme un bloc de porphyre,
Ses flancs voluptueux restent toujours glacés ?
C’est à peine, autrefois, si je pouvais suffire
À celle qui jamais ne savait dire : Assez !

Elle avait des baisers, dans sa folle allégresse,
Des baisers enivrant ainsi qu’une liqueur !
Et je la bénissais, même quand la tigresse
Passait en minaudant ses griffes sur mon cœur !

Elle aimait que sa voix, mêlée à la voix aigre
Du grillon babillard, se perdît dans le vent,