Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/225

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je nageais dans un lac de bonheur, j’étais éperdu dans ces illusions. Cependant, parfois, j’étais tourmenté par le sens mystérieux de ces paroles que m’avait dites le vieillard : Nous sommes d’une ruche étrangère et cette abeille ne saurait sans avanie se mêler à ce guêpier. Je faisais mille conjectures qui tour à tour me semblaient bien trouvées ; de minute en minute je les métamorphosais ; je leur donnais pour patrie, l’Espagne, la Bohême, la Bosnie, Venise, Cerigo… j’en faisais des Hospodars, des Boïards, des princes voyageant incognito, des proscrits, puis toutes ces interprétations me semblaient folles ; en effet, tout cela n’était pas raison pour se tenir à l’écart et craindre une avanie. Puis le nom de Dina me persécutait, ce nom ne m’était pas inconnu, j’avais un souvenir vague de l’avoir ouï, quand et où, je ne pouvais me le remembrer. Un bruit lointain qui me fit soubresauter fustigea toutes ces rêveries : je me trouvai debout appuyé contre une palissade, seul sur le rempart désert ; la sérénade finie, la foule s’était écoulée. Je heurtai du pied, je maudis ma maladroite distraction ; tout mon bonheur s’évanouissait, plus d’espoir de la