Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/425

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Champavert, tu dis vrai : que j’aime cette pensée !… Oh ! dis-moi, serais-tu prêt ?

— Non, ma toute belle, attendons encore, peut-être des jours meilleurs vont se lever pour nous ; si jeunes encore, nous avons un long avenir ! Attendons encore, nous avons bu l’absinthe avant le festin, attendons, après le deuil de la nuit, le jour et la rosée.

— Champavert, quand un arbre a été atteint de la foudre, nul printemps ne saurait le reverdir ; il dessèche sur pied, jusqu’à ce qu’un bûcheron le renverse de sa hache ; Champavert, attendrons-nous le coup de hache de la mort, tardif bûcheron ? Ce serait une lâcheté !

— Il est téméraire de préjuger l’avenir : ma belle, dépouillons-nous de cette sombreur, soyons moins élégiaques, s’il vous plaît ?

— C’est cela, à loisir, plaisantez ! Vous grimacez, Champavert, votre rire n’est pas un rire qui part du cœur, c’est un rire de supplicié. Tout à l’heure vous vous êtes trahi.

Pendant ces causeries, sous la salle d’ombrage, la lune était montée à l’horizon, et ses rayons, perçant au travers le feuillage vacillant des marronniers, semait le sable de nacres et