Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/55

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afin de trancher court aux bons mots.

Décidément, je partirai demain matin ; mais il faut que je lui fasse remettre quelque argent, incognito, pour que cette pauvre fille ne meure pas de faim en mon absence.

Déjà, onze heures !… Adieu, adieu l’Argentière !

Bertholin, en disant ces derniers mots, s’était levé et se retirait du côté de la porte : M. l’accusateur, qui avait écouté ce récit avec une attention froide, morne, soutenue, le poursuivit en le questionnant jusqu’au bas de l’escalier.

— Tu dis, Bertholin, que cette Apolline est belle ?

— Ô mon ami, j’ai beaucoup vécu et beaucoup vu, mais jamais je n’avais rencontré de femme aussi séduisante : figure-toi l’Eucharis de Bertin, l’Éléonore de Parny, une nymphe, Égérie, Diane !… Elle est grande, élancée, gracieuse ; elle est blême et mélancolique comme une malade ; ses cheveux, qu’elle porte en bandeau sur le front, achèvent son aspect virginal, et, sous des sourcils noirs et épais, ses grands yeux bleus languissent.