Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/78

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Le terme de sa grossesse approchait et sa misère devenait profonde. Les huit premiers mois elle avait vécu de la maigre somme de Bertholin. Il ne lui restait plus rien. Le soir elle allait arracher des herbes sauvages le long des chemins déserts, mais cette nourriture d’âne, si contraire à sa délicatesse, l’avait tellement affaiblie, que, vers la fin du neuvième mois, il lui fut presque impossible de descendre. Ce jeûne, pour ainsi dire absolu, lui avait donné des éblouissements, et une céphalalgie chronique qui par instant dégénérait en folie. Sa démence était sombre. Elle avait des déchirements atroces d’estomac, et souvent il lui prenait des spasmes épileptiques. Quand elle ressentit les premières douleurs de l’enfantement, il y avait deux jours passés qu’elle n’avait pris aucun aliment : étendue sur son grabat, dévorée par la faim, elle rongeait la basane d’un vieux livre, privée de raison, exténuée…


À la vue de son enfant, sa sombre folie se réveilla, et retrempa ses forces : dressée sur ses pieds, elle l’embrassait et le frappait tour à tour ;