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Page:Borel - Gottfried Wolfgang, 1941.djvu/10

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Wolfgang se sentait défaillir, et il se détournait en frémissant, quand il aperçut tout à coup un personnage mystérieux accroupi, pour ainsi dire, au pied de l’échafaud. Une suite de vifs éclairs rendit bientôt sa forme plus distincte aux yeux de l’étudiant : c’était une femme habillée tout de noir, paraissant appartenir à la classe supérieure. Plus d’une belle tête habituée aux douceurs de l’oreiller de duvet se posait sur la pierre dans ces temps d’affreuses vicissitudes. Elle était assise sur le plus bas degré, le corps penché en avant et la figure cachée dans son giron. Ses longues tresses épaisses pendaient jusques à terre, égouttant comme un toit de chaume, la pluie qui tombait par torrents. Devant ce monument solitaire du malheur, Wolfgang s’arrêta court : — Peut-être, se dit-il, que du rivage de l’existence où cette infortunée gît le cœur brisé, l’effroyable couteau a lancé dans l’éternité tout ce qui lui était cher au monde !… Poussé par une puissance irrésistible, il s’avance alors dans un timide embarras, et adresse à celle qui lui inspirait à la fois tant de pitié et d’intérêt quelques paroles de sympathie. Elle lève la tête et le fixe du regard d’un air égaré. Mais quel est l’étonnement de Wolfgang en reconnaissant à la lueur brillante des éclairs, la réalité dont l’ombre subjuguait depuis longtemps toutes ses facultés. La figure de l’inconnue, quoique couverte en ce moment d’une pâleur mortelle, et