Aller au contenu

Page:Borel - Gottfried Wolfgang, 1941.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait vues, et son imagination lui créait des idoles qu’elle ornait de perfections surpassant de beaucoup toute réalité.

Dans le temps que son esprit se trouvait dans cet état de surexcitation, il eut un songe qui l’affecta d’une manière extraordinaire. La vision lui avait représenté une femme d’une beauté transcendante, et l’impression que cette image avait faite sur lui avait été si forte, qu’il la voyait sans cesse, à toute heure, en tout lieu ; le jour, la nuit, son cerveau en était plein. Enfin il s’était passionné tellement pour cette vapeur, et cette extravagance avait duré si longtemps, qu’elle s’était changée en une de ces idées fixes que l’on confond quelquefois, chez les hommes mélancoliques, avec la folie.

Reprenons le récit que nous avons interrompu plus haut, et suivons notre jeune Allemand dans sa course nocturne. Comme il traversait la place de Grève, soudain il se trouva près de la g… Non, jamais ma plume ne saura écrire ce mot hideux… Il recula avec effroi… C’était au fort de la Terreur. Alors cet horrible instrument était en permanence et le sang le plus pur et le plus innocent ruisselait continuellement sur l’échafaud. Il avait été ce jour même employé à l’œuvre de carnage et présentait encore, dans l’attente de nouvelles victimes, à la cité endormie, son appareil lugubre et menaçant.