Page:Borel - Madame Putiphar, 1877.djvu/34

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Comme à travers les pins les cristaux d’un glacier,
Son œil est amoureux ; sa belle tête blonde
A pour coiffure un casque, orné de lambrequins,
Dont le cimier touffu l’enveloppe et l’inonde
Comme fait le lampas autour des palanquins.
Son cheval andalou agite un long panache
Et va caracolant sur ses étriers d’or,
Quand il fait rayonner sa dague et sa rondache
Avec l’agilité d’un vain toréador.

Le second cavalier, ainsi qu’un reliquaire,
Est juché gravement sur le dos d’un mulet
Qui ferait le bonheur d’un gothique antiquaire ;
Car sur son râble osseux, anguleux chapelet,
Avec soin est jetée une housse fanée,
Housse ayant affublé quelque vieil escabeau,
Ou caparaçonné la blanche haquenée
Sur laquelle arriva de Bavière Isabeau.
Il est gros, gras, poussif ; son aride monture
Sous lui semble craquer et pencher en aval
Une vraie antithèse, — une caricature
De carême-prenant promenant carnaval !
Or, c’est un pénitent, un moine, dans sa robe
Traînante enseveli, voilé d’un capuchon,
Qui pour se vendre au Ciel ici-bas se dérobe,
Béat sur la vertu très à califourchon.
Mais Sabaoth l’inspire, il peste, il jure, il sue ;
Il lance à ses rivaux de superbes défis
Qu’il appuie à propos d’une lourde massue :
Il est taché de sang et baise un crucifix.