Page:Borel - Madame Putiphar, 1877.djvu/35

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Pour le tiers cavalier, c’est un homme de pierre
Semblant le Commandeur, horrible et ténébreux ;
Un hyperboréen ; un gnôme sans paupière,
Sans prunelle et sans front, qui résonne le creux
Comme un tombeau vidé lorsqu’une arme le frappe.
Il porte à sa main gauche une faulx dont l’acier
Pleure à grands flots le sang, puis une chausse-trappe
En croupe, où se faisande un pendu grimacier,
Laid gibier de gibet ! Enfin pour cimeterre
Se balance à son flanc un énorme hameçon
Embrochant des filets pleins de larves de terre
Et de vers de charogne à piper le poisson.

Le premier combattant, le plus beau, — c’est le monde !
Qui pour m’attraire à lui me couronne de fleurs,
Et sous mes pas douteux, quand la route est im­monde,
Étale son manteau, puis étanche mes pleurs.
Il veut que je le suive — il veut que je me donne
Tout à lui sans remords, sans arrière-penser ;
Que je plonge en son sein et que je m’abandonne
A sa vague vermeille — et m’y laisse bercer.
C’est le monde joyeux, souriante effigie !
Qui devant ma jeunesse entr’ouvre à deux battans
Le clos de l’avenir, clos tout plein de magie,
Où mes jours glorieux surgissent éclatans.
Ineffable lointain ! beau ciel peuplé d’étoiles
C’est le monde bruyant avec ses passions,
Ses beaux amours voilés, ses laids amours sans voiles,
Ses mille voluptés, ses prostitutions !
C’est le monde et ses bals, ses nuits, ses jeux, ses femmes,