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Page:Borel - Madame Putiphar, 1877.djvu/44

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MADAME PUTIPHAR.

santissois longuement, je me briserois le front sur la muraille. J’étourdis ma raison toutes fois qu’elle interroge, et je m’incline devant les ténèbres.

Souvent j’ai ouï dire que certains insectes étoient faits pour l’amusement des enfants : peut-être l’homme aussi est-il créé pour les menus plaisirs d’un ordre d’êtres supérieur, qui se complaît à le torturer, qui s’égaie à ses gémissements. Beaucoup d’entre nous ne ressemblent-ils point par leur existence à ces scarabées transpercés d’une épingle, et piqués vivants sur un mur ; ou à ces chauve-souris clouées sur une porte servant de mire pour tirer à l’arbalète ?

S’il y a une Providence, elle a parfois d’étranges voies : malheur à celui marqué pour une voie étrange ! il auroit mieux valu pour lui qu’il eût été étouffé dans le sein de sa mère.

C’est à vous si vos cœurs n’y défaillent point, d’approfondir et de résoudre : quant à présent, pauvre conteur, je vais tout simplement vous développer des destinées affreuses entre les destinées. Bien plus heureux que moi vous serez, si vous pouvez croire qu’une Providence ait été le tisserand de pareilles vies, et si vous pouvez découvrir le but et la mission de pareilles existences.