Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/58

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Un ami ! — Malheureux ! si tard en cette gorge,
Sans armes ! l’étranger, veux-tu que l’on t’égorge ?
                Est-ce la mort que tu cherchais ? —

— Je suis un jeune peintre, et, sans inquiétude,
Je revenais du val où je fais une étude ;
Signer, je suis Français et non point étranger,
Je revenais sans peur ; la nuit rien ne m’arrête ;
Portant sous mon manteau pour tout bien ma palette,
                Mon escarcelle est sans danger ! —

— Sais-tu bien que le Corse a soif de la vengeance,
Et non pas soif de l’or ? Malheur à qui l’offense !
Si ta mort est jurée, il comptera tes pas ;
S’il le faut dans les bois, ainsi qu’une hyène,
Un mois il attendra que sa victime vienne
                Pour se ruer sur son trépas.

Puisque sans armes, seul, par cette route sombre
Tu marches, chante au moins, car peut-être dans l’ombre
Tu pourrais pour un autre être pris des brigands ;
Marche en chantant ces airs que mon âme aguerrie
A ton âge aimait tant, ces airs de ta patrie,
                Hymnes funèbres des tyrans ? —

Jeune, on ne saurait craindre, on rit de la prudence ;
Les avis d’un vieillard sont traités de démence :