Aller au contenu

Page:Bornier - Œuvres choisies, 1913.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


PRÉFACE



Je renonce à chercher un directeur assez hardi pour mettre ce drame sur la scène.

Les sujets religieux, je l’avoue, eurent toujours de la peine à réussir au théâtre. Corneille lui même (et j’espère bien qu’on ne m’accusera point de vouloir établir une comparaison qui serait orgueilleuse et ridicule), Corneille, quand il eut écrit Polyeucte, se sentit inquiet ; il voulut lire sa tragédie, avant de la donner au public, devant la société la plus polie et la plus lettrée de son temps, à l’hôtel de Rambouillet.

Le résultat de cette lecture justifia les craintes du grand tragique. « La pièce, dit Fontenelle, y fut applaudie autant que le demandaient la bienséance et la grande réputation que l’auteur avait déjà ; mais quelques jours après, M. de Voiture vint trouver M. Corneille et prit des tours délicats pour lui dire que Polyeucte n’avait pas réussi comme il le pensait, que surtout le christianisme avait extrêmement déplu.

« Voltaire, de son côté, entre dans de plus grands détails : C’est une tradition que tout l’hôtel de Rambouillet, et particulièrement l’évêque de Vence, Godeau, condamnèrent cette entreprise de Polyeucte (celle de renverser les idoles) ; on disait que c’est un zèle imprudent ; que plusieurs évêques et plusieurs synodes avaient expressément défendu ces attentats contre l’ordre et contre les lois ; qu’on refusait même la communion aux chrétiens qui par