Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/37

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JE N AI PAS DE BONHEUR

« Longtemps tout est couvert par le flot qui sourit, o Mais la fange parait quand le fleuve tarit ! « Gloire, fortune, honneurs, amours ? Choses amères « Je touche les bas-fonds de toutes ces chimères ; « Des fanges du passé le souffle empoisonneur « S’élève autour de moi. Je n’ai pas de bonheur ! » II

Enfant, jeune homme, femme — et toi, vieillard, écoute : Vous êtes malheureux ; vous le croyez, sans doute. Sommes-nous sûrs pourtant de l’avoir mérité, Ce bonheur dont chacun se croit déshérité ? Nous disons : C’est un droit. — C’est une récompense ! D’ailleurs l’homme est souvent plus heureux qu’il ne Souvent le but qu’il voit fuir devant son désir [pense ;] Lui deviendrait fatal s’il pouvait le saisir : Enfant, toi qui te plains des craintes de ta mère, Ton cheval, que sait-on ? te jetterait par terre ! Jeune homme, tu te plains qu’on te préfère un sot ? D’être le préféré je te plaindrais plutôt ! Le malheur qui t’accable est un bonheur insigne : Ton cœur s’élèvera dans un amour plus digne !